Black Sabbath, noir c'est noir
par Adehoum Arbane le 25.09.2006 dans la catégorie C'était mieux avant Métal en fusion, crépitement de l’électricité illuminant les feux industriels, la tour de Londres et les laves mouvantes de la froide Tamise. Le Sabbat Noir déploie ses ailes de corbeau de mauvais augure, enveloppant l’espace, la matière de la nuit. Les kids adorent. Ils en tremblent. Ils rêvent de sorciers étranges, de chanteur suceur de sang et de guitariste cafardeux. On est en 1970. Le hard rock est une variation de la pop. On fond devant les Beatles. On fend avec Black Sabbath. Son rock lourd et ciselé, en apesanteur, coupe comme un sabre. La guerre des cochons fait rage et l’homme d’argent déboule sans crier gare. Paranoïa au Vietnam. Paranoïa à Washington. Paranoïa à Londres. Ozzy couche ses “oh yeah” monolithiques sur les riffs plombés de Tony Iommi (ses doigts coupés lors d’un accident l’obligeaient à jouer plus lentement). La musique est alors une cape jetée sur le ciel. Il n’y a plus d’étoiles comme dans Electric Funeral. Boucles d’électricité, lourdes, pleines, inquiétantes. On se croirait dans Le masque de la mort rouge de Edgar Poe ou même dans la version de Corman. L’horreur indicible ? Black Sabbath invente une sorte de cauchemar musical, un trip glaçant d’effroi et pourtant… Les premiers albums sont chaudement accueillis. Acclamés. Et pour cause. La musique du groupe se veut plus contrastée qu’il n’y paraît. Planet Caravan s’offre quelques minutes planantes, congas caressés, arpèges jazzy, voix déformée dans un lointain stellaire. Dans ces moments-là, Black Sabbath enfile sur cette main de fer son gant de velours. On est bien loin de la caricature satanique offerte par les formations hard eighties. C’était les années 60-70. On écoutait alors Black Sabbath et Marvin Gaye. L’industrie de la hype ne parlait encore à personne. Les académiciens du rock préféraient l’herbe aux lauriers. Les minets parisiens ne racontaient pas encore leur existence, trop bourgeoise pas assez bohème, à grands renforts de citations et d’inventaires à terre. Le rock n’était pas encore couturé de haut mais bariolé en bas. À cette époque, le riff prévalait sur la griffe.
Black Sabbath, Paranoid (Vertigo)
Commentaires
Crosstown Traffic
26.09.2006
Black Sabbath vaut tellement mieux que le grand-guignol auquel il s'amusaient les premiers à être réduits... En quatre albums, Iommi a écrit rien moins que les tables de la loi thrash et métal - on entend encore ses riffs paranoïdiens jusque dans Rage Against The Machine, par exemple...
Quant à la section rythmique Ward-Butler, elle reste scandaleusement sous-estimée alors qu'elle rivalise sans peine avec les Jones-Bonham et Entwistle-Moon...