Sufjan Stevens, avalanche de tubes

par Adehoum Arbane  le 18.08.2006  dans la catégorie A new disque in town


En Amérique, dans les chambres d’hôtel, il y a toujours une bible posée sur la table de nuit. Comme une invitation à la prière. On pourrait trouver à la place ou à côté (les deux pouvant cohabiter) un album de Sufjan Stevens. Comme une invitation à la lumière. Ce jeune auteur irradie. La douceur de son visage sied au répertoire qu’il a façonné depuis, comme un diamant rare. Come On Feel The Illinoise et The Avalanche, sa suite officieuse, font partie de ces œuvres qui vous laissent sans voix. Aussi, déciderai-je de ne pas les aborder chanson après chanson. Pour une raison simple. Mises bout à bout, elles constitueraient un ensemble riche de 43 titres.

Je parlais de bible, mais au-delà de l’aspect pharaonique ( !) des deux volumes, il y a quelque chose de christique dans Come On Feel The Illinoise et The Avalanche. Non pas au sens premier du terme. Qu’ai-je retiré de cette expérience ? L’illumination. La richesse de sa palette musicale lui permet d’explorer tous les thèmes, tous les mythes avec l’aisance du fils prodigue, ou plutôt prodige. Car Sufjan Stevens est parti dans une quête qui le mènera à coup sûr à l'autre bout du continent américain (un album par état !). Sans avoir à gaspiller une seule note de son héritage. Bien au contraire, il donne et cette générosité se goûte avec un rare plaisir.

Stevens est un miniaturise religieux.
Chaque chanson est enluminée avec grâce. Des lettrines harmoniques viennent parer l’œuvre sans la déséquilibrer. Il y a une sorte de perfection dans ses chansons. Pour autant, les instruments les plus anciens ajoutent à ce corpus folk une dimension légèrement bancale qui est l’apanage de la meilleure pop. Quelque chose de délicieusement foutraque. Une sorte de « fouillis de fleurs » comme disait Rimbaud, de couleurs ténues, tendres. Certaines dentelles instrumentales sont à ce point fragiles qu’elles semblent parfois se désagréger dans la matière de l’espace, particules en suspens. Un banjo famélique répond à un cor anglais au son plein. Mais il y a toujours des chœurs enfantins pour relier ces mosaïques solaires.

Avec Sufjan, le merveilleux fait son grand retour.
Une musique délicate et enjouée qui se joue du temps : le miracle de ces 2 opus est de réconcilier la tradition avec la modernité. Ainsi, nous n’assistons pas une ultime tentative de revival ou de plagiat. Non. Come On Feel The Illinoise comme The Avalanche façonnent leurs comptines dans un terreau pop folk qui doit autant à Brian Wilson qu’à Bryan McLean (leader timide des incontournables Love). On retrouve aussi cette exigence formelle dans la tradition de The Band, le backing group de Dylan. Eux aussi surent habillement tailler dans le bois de l’Americana des chansons pures aux arrangements variés. La particularité de Sufjan tient dans le feutre de son timbre, le grain de sa voix angélique (et d’enfant terrible de l’Amérique).

Mais au détour des interludes et des vitraux symphoniques, on trouve des morceaux plus graves, cousins éloignés des titres nébuleux de Robert Wyatt. Pour l’occasion, je dérogerai à ma règle en citant The Seer’s Tower : un sens de l’épure qui rappelle aussi les Gymnopédies d’Erik Satie. Les nappes électroniques enveloppant l’espace sans l’alourdir. Les chœurs pourraient évoquer les pleureuses des processions égyptiennes dépeintes sur les murs des sépultures. Mais en pluie fine. Car la délicatesse reste la signature musicale de Sufjan.

Au fond, la musique de Sufjan Stevens ressemble à une clairière après la pluie. Les parfums s’en trouvent exhalés et exaltés. Une œuvre candide, jamais austère ou même démonstrative. Une forme d’impressionnisme américain aux confins de tous les territoires. Peut-être la musique des Natives…
 
Sufjan Stevens, The Avalanche (Asthmatic Kitty)
 
theavalanche.jpg
 
http://www.youtube.com/watch?v=r7ER-ut8BcI&list=PLF256587A501AAE9C
 

Commentaires

Il n'y pas de commentaires

Envoyez un commentaire


Top