Music Emporium, cathédrale californienne

par Adehoum Arbane  le 31.08.2006  dans la catégorie C'était mieux avant

Los Angeles. 75° Fahrenheit.

Des bulles d’acide dans ma tête, je déboule au drugstore, une échoppe lovée entre deux coins de rues, sur Sunset Bvd. À l’intérieur, les étalages proposent des kilomètres de consumérisme drogué, pilules, buvards, herbes… Le palais de la défonce. Mon cerveau se met à trembler et mes mains à gamberger sur les substances aptes à libérer les forces vives de ma conscience.

Et là, un débris stellaire vint heurter les circonvolutions colorées de ma rêverie : une boutique dans la boutique, The Music Emporium. Le vinyl peinturluré de motifs naïfs laissait deviner une sorte de bâtisse tout droit sortie d’un western crapuleux et teigneux. Sur le perron de cette bicoque pour le moins baroque, 4 figures blanches, grises, imprimées et stoïques comme figées par l’acide qui imbibait le carton. Je m’empresse de faire rebondir sur le comptoir miteux quelques dollars et un cent. Puis, je file chez moi. Platine ouverte, bras rabaissé, diamant faisant crépiter l’espace. Puis, la vision kaléidoscopique d’une Californie abandonnée aux délires visuels et sonores d’un psychédélisme majestueux, façon Vatican de la dope.

Tous les thèmes s’enchaînaient...
Les idées aussi, je planais dans les spirales d’un orgue farfisa, farfisant tout ce qu’il pouvait, au milieu des chorales pleines de christs et de vestales bariolées et des riffs de guitare dégainant leurs incisives. AAAAHHHH ! Le trip ! Le pied ! L’extase, exact déroulement d’un scénario improvisé, pourvu en filtres boréals et en focales troubles. Le temps de me remettre de mes émotions lysergiques et le deuxième morceau s’écoule comme un sablier camé, la guitare sculptant son tic-tac lapidaire. Un glacis de sueur rampa le long de ma colonne, sous ma chemise gonflée par le soleil. Ce n’était pas la chaleur, mais la progression méthodique de la dope dans mon cortex.

À ce moment précis, j’ai dû passer en revue toutes les possibilités, toutes les probabilités, imaginer Nietzsche, déterrer Freud et saluer Kant. Il faut bien dire que la drogue fait de vous une sorte de créature pathétique et démembrée, une larve capable de toutes les associations d’idées relevant parfois du concept frelaté. J’envisageais tout donc, le monde, les palmiers à Venice, le désert et son accoutumance au vide brûlé, le peuple indien, Bouddha en cher et en or, la meilleure stratégie de défense contre les attaques de chauves-souris vampires géantes aux yeux globuleux, aveuglés, qui fondaient alors sur moi par milliers, les stripteaseuses d’Hollywood Bvd qui m’envoyaient leurs harangues lascives et licencieuses, les psalmodies des pleureuses égyptiennes lorsque les rois empruntaient le chemin de l’immortelle divinité ; enfin, toutes les petites vicissitudes de l’existence.

Merde, tout cela m’avait paru une éternité, pourtant l’album venait de remballer sa 29e minute. Putain d’acide. Vous voulez savoir, le pire dans tout cela ? Une fois sorti de ma torpeur, je me rendis compte que mon cul était planté dans la crasse poussiéreuse d’un lupanar à Tijuana. Putain d’acide.
 
Music Emporium, same title (Sentinel-Sundazed)
 
music emporium.jpg
 
http://www.youtube.com/watch?v=qX3ZlutnTOI
 
 
 
 
 
 

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