Avril 1970, les Beatles se séparent. Un choc planétaire. Le 17, Paul sort son premier album solo, sobrement intitulé McCartney. Une ébauche. Un disque brut. Plein. Taillé dans le bois. Le 11 décembre, Lennon réplique avec son Plastic Ono Band et un premier hit, Instant Karma. Entre les deux ex-leaders, la lutte est âpre.
Mettons les pendules à l’heure. Lennon n’a jamais surpassé Macca. Et réciproquement. L’un a longtemps joui d’une image engagée, amplifiée par son tragique assassinat. L’autre fut systématiquement boudé (à tort) par la critique. Disons-le, Lennon n’a produit que deux excellents albums : Plastic Ono Band et Imagine. Ce qui distingue Paul, c’est cette dimension pop alors que John évolue dans un registre universellement politique (et finalement plus policé qu’il n’y paraît). Imagine, son hymne, apparaît comme naïf, réducteur, presque désuet. Macca lui en 4 albums rédige un précis de pop à l’usage des futures générations. McCartney est un galop d’essai avec ses joyaux certes, mais un premier jet. Maybe I’m Amazed force malgré tout le respect. On y retrouve tout le miel des productions Beatlesiennes : piano lyrique, rythmique ronde, chœurs omniprésents. Tout n’est pas encore dit ou écrit.
Dans l’indifférence générale, Paul signe en 71 un chef d’œuvre d’inventivité, de complexité pop : Ram. Il y explore le blues rural, le folk bucolique et les grands hymnes symphoniques chers à son cœur. L’album est truffé de petites vignettes qui brillent par leur limpide beauté. Confondant. Ram On et Dear Boy sont des chansons courtes mais intenses, avec leurs strates, leurs niveaux de lecture. Imagine à côté de cela est en panne sèche… D’imagination. Alors que Long Haired Lady, Oncle Albert/Admiral Alsey, et Too Many People s’ébrouent dans la tessiture des minutes. Ce sont des opéras à l’Anglaise, tout en finesse orchestrale. Et puis, il y a Back Seat Of My Car. Ce morceau vient clore l’album et laisse dans l’espace, lorsque le silence est revenu, des motifs luminescents. Impossible de ne pas se laisser emporter par cette ballade sucrée. Un peu en marge, Monkberry Moon Delight tranche par sa noirceur, la voix de Paul trouvant des inflexions éraillées, presque Beefheartiennes.
De Dear Boy passons à Dear Friend, ballade mélancolique extraite de son 3e album (Wild Life) et dédiée à Lennon. Réponse impeccable, élégante et flegmatique à l’attaque en règle que fut How Do You Sleep ?. Cette main tendue est une totale réussite : une chanson pleine de silences, jouée au piano avec, en fond sonore, quelques arrangements de cuivres épars. Il y a dans ces 5 minutes étouffantes quelque chose de bouleversant. Une gravité dense qui surprend. En 73, Band On The Run montre un groupe en très grande forme, bien que l’album ait un peu vieilli. Bluebird décline avec une aisance voluptueuse le son Macca : ciselé, enluminé, ouvragé.
Une légende veut que Paul soit mort dans un accident de moto pendant l’enregistrement de Sgt Pepper’s. Des signes semblent apparaître comme la tombe fleurie qui orne la pochette avec à côté une basse en forme de P. Ce canular plein de non-sens britannique amuse encore, surtout quand certains voudraient enterrer le talent du timide Beatle. Son dernier album prouve le contraire : Chaos And Creation In The Back Yard nous montre un Macca bel et bien vivant, éternellement jeune : le dernier dépositaire avec Brian Wilson d’une pop aussi souriante qu’éblouissante.
Ram c'est le voyage dans une Austin Martin so british. Des mélodies imparables et les virages négociés de main de maître. Les critiques acerbes de l'époque doivent maintenant manger leurs copies. Je suis longtemps passé à côté de cet album, maintenant je rattrape le temps perdu... trois fois par jour.
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Commentaires
dj duclock
27.01.2008
Ram c'est le voyage dans une Austin Martin so british. Des mélodies imparables et les virages négociés de main de maître. Les critiques acerbes de l'époque doivent maintenant manger leurs copies. Je suis longtemps passé à côté de cet album, maintenant je rattrape le temps perdu... trois fois par jour.