Jefferson Airplane, the LSD flight company
par Adehoum Arbane le 10.08.2006 dans la catégorie C'était mieux avant
Porte-étendard de la contre-culture, le Jefferson Airplane bouscule très vite les fondations de l’underground américain pour s’imposer comme la formation californienne la plus populaire avec les Doors. Emmené par Grace Slick, son égérie au visage marmoréen, encadré d’une épaisse chevelure de jais, l’Airplane symbolisera pendant longtemps l’Acid Rock, genre né à San Francisco en 1966.
Pour beaucoup d’observateurs avisés, L.A incarne le professionnalisme. Les Love, les Byrds et Spirit offrent chacun, malgré leurs particularités respectives, un son limpide et propre. Sauf peut-être les Doors et les Mothers Of Invention qui font rapidement figures de vilains petits canards du rock. Mais les vrais freaks sont à San Francisco. Là-bas, sur la baie, rock psychédélique rime avec expérimentation bordélique. Les groupes les plus improbables écument les clubs et les salles de la Family Dog. Aux côtés de Country Joe & The Fish, du Grateful Dead, de Mad River, du Quicksilver Messenger Service, le Jefferson Airplane calque les filtres du psychédélisme sur un folk rock plein de saveurs parfumées. On est en 66 et le Tomorrow Never Knows des Beatles est dans tous les esprits.
Mais avec l’Airplane, nul besoin de sitar ou d’instruments électroniques pour reproduire les couleurs musicales du trip psyché. Le guitariste Jorma Kaukonen contribue à créer un nouveau langage, l’acide rock et un riff immédiatement identifiable, le San Francisco’s Sound. L’orientalisme est au cœur de toutes les influences. Mais le Jefferson Airplane se démarque des formations anglaises en électrifiant le flamenco. Les guitares crissent et ondoient en même temps. Le rock devient une variation possible du mesmérisme. Extase. Lente dérive des corps. Hypnose.
Plaquées sur ces accords drogués, les 3 voix composent une mosaïque subtile qui marquera de nombreux groupes. Grace Slick, Paul Kantner et Marty Balin transcendent les harmonies vocales pour emporter l’auditeur dans un songe Lewis Carrollien. Crown Of Creation représente la quintessence mélodique du groupe, un joyau ciselé dans la matière la plus précieuse.
Pour nourrir leurs nouveaux rêves lysergiques, le groupe accompagne ses prestations de lights shows impressionnistes (et impressionnants). La mise en scène du voyage intérieur cher aux mangeurs d’acide est alors totale. Les images saisies au Festival de Monterey flamboient comme une aurore californienne. Le Jefferson Airplane est déjà à son firmament. 3 albums racontent cet apogée…
Après le décollage de Jefferson Airplane Take Off, Grace Slick remplace Signe Anderson et signe ( !) avec Surrealistic Pillow les premiers classiques du groupe : Somebody To Love et White Rabbit. L’ambiance acoustique reflète parfaitement les aspirations de l'Airplane, le romantisme échevelé de la vie en communauté, le rêve hippie, l’été de l’amour. De retour en studio, les musiciens façonnent plusieurs mois durant ce qui sera comme leur chef d’œuvre, un disque plus cohérent, traversé par des fulgurances psychédéliques et acides : After Bathing At Baxter's. Derrière la pochette bariolée, 11 titres sublimes, très travaillés, plus électriques et des trouvailles sonores que viennent enrober trois voix à leur zénith. En 1968, Crown Of Creation, malgré sa flashante pochette atomique, offre 11 titres à la noirceur inattendue, terrible reflet des tourments guerriers qui agitent et broient le Nord Vietnam.
Plus folk et country, Volunteers conserve malgré tout cet esprit rebelle, ses hymnes batailleurs, sa violence utile. Puis à l’orée des années 70, le Jefferson Airplane continuera son voyage galactique sous un nouveau patronyme : le Jefferson Starship avec un autre chef d’œuvre signé Paul Kanter : Blows Against The Empire. Hijack, A Child Is Coming, Starship, Let’s Go Together sont autant de titres incandescents, inspirés, hantés.
Le style West Coast aura connu ses plus belles heures, du côté d’Haigh-Ashbury, avec le Jefferson Airplane. Leurs harmonies vocales, féminines et masculines, influenceront tous les groupes mineurs (Music Emporium, Neighb'rhood Childr'n, The Peanut Butter Conspiracy, The Love Exchange, Saloom Sinclair & The Mother Bear, Yankee Dollars, The Growing Concern) pourtant indispensables pour saisir tout le faste d'une génération visionnaire.
Jefferson Airplane, Surrealistic Pillow (RCA)
Jefferson Airplane, After Bathing At Baxter's (RCA)
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