Pink Floyd, pas du pipeau

par Adehoum Arbane  le 10.07.2006  dans la catégorie C'était mieux avant

Il y a dans les premiers balbutiements géniaux de Syd Barrett la moelle sucrée d’un cerveau méandreux, pris dans les spirales convulsives de la drogue. Le petit garçon de régurgita, en l’espace d’un album et de Cambridgequelques singles azimutés, une œuvre bizarre, méthodiquement bricolée. Car le Pink Floyd n’est pas le groupe virtuose qu’il aurait pu être. Aucun technicien aux commandes de l’appareil. Juste quelques étudiants en architectures bien décidés à bâtir des édifices volontairement bancals. Et dans ces prémices jetées, on trouve déjà une rupture, un univers codifié, délimité (et pourtant sans limites), une légère et monstrueuse interprétation de cette musique psychédélique qui vient de naître en Californie, pendant l’été de l’amour. C’est toute la délicieuse asymétrie qui définit avec cohérence la structure épinière de Piper At The Gate Of Dawn. Syd Barrett, dont l’image de gendre idéal cache en fait un Lucifer Sam incontrôlable, va alors saborder le groupe à grands coups de trips mal lunés, avant de laisser sa place à David Gilmour. Pourtant, il existera entre ces deux périodes un espace transitoire incroyablement dense. On peut le dire. Les sons créés par le early Pink Floyd n’existent pas ailleurs. Ni en Amérique ni même en Angleterre. Syd triture sa guitare, la griffe pour en extraire une masse compacte et informe, ciselée et mouvante. Ce traitement qui rappelle étrangement le jeu de Lou Reed période Velvet s'exprime pleinement dans Interstellar Overdrive, un morceau épique, ébouriffant, touffu et effarant de violence lysergique. Tout autour, des comptines faussement naïves (Flaming) aux cliquetis, hululements et autres trouvailles sonores s’étalent ou s’épanouissent selon l’humeur, sans jamais oublier d’ouvrir les portes d’une autre dimension. Pow R. Toc H. synthétise à lui seul les aspirations profondes du groupe. Apesanteur rythmique, piano modal, hurlements d’oiseaux de nuit, orgue égyptien, chuchotements et bordel sonique. Ce n’est plus Carnaby Street mais l’enfer de Dante. Les visions picturales de William Blake s’associent parfaitement au magma vrombissant imposé par le Floyd. Écoutez Astronomy Domine mais aussi Lucifer Sam, Matilda Mother, Take Up Thy Stethoscope And Walk. Tout y est tourmenté, accéléré, dépassé. Et puis il y a cette deuxième face qui s’éloigne de la science-fiction pour aborder une veine plus calme, plus bucolique avec the Gnome, Chapter 24 et Scarecrow. Avant que la folie ne reprenne ses droits et pousse la bicyclette floydienne dans le ravin de l’outre espace.

Pink Floyd, The Piper At The Gate Of Dawn (EMI)
 
pink floyd - the piper at the gates of dawn.jpeg
 
http://www.deezer.com/fr/album/1262270
 
 
 
 

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