The Stooges, grand comme une maison
par Adehoum Arbane le 24.03.2006 dans la catégorie C'était mieux avant Tout a été dit. Tout a été écrit. Même cette entame de chronique sonne le réchauffé à plein nez. Plutôt à pleins tubes ! Qu’importe. Je suis entré dans la maison du Fun pour ne plus jamais en ressortir… Indemne. Sec et sexuel, le son des Stooges est ainsi fait, défait, trituré dans cette lave métallique et fusionnelle qui s’étale en giclures rouges sur la pochette de Fun House. On aura tout dit, on avait déjà tout chanté, hurlé pendant ces sixties flinguées où les volutes doo-woop pouvaient croiser sur les ondes des harangues rock en provenance de Détroit. Comme le Velvet de New York, les Stooges appartiennent corps et âmes à Détroit. Dirt le prouve. Blues laminé, sale, dépositaire d’une désespérance noire, urbaine, presque industrielle. Et pourtant, Fun House a été enregistré à LA. On est loin des palmiers, de Venice Beach, d’Hollywood et surtout du son californien, plus moelleux, plus psyché. Tout dans ce disque est tendu, urgent, resserré. Les musiciens jouent comme s’ils gravaient leur dernier album. Pas si faux. Après Raw Power, les choses ne seront plus vraiment les mêmes. Peut-être parce que le punk finira par supplanter les holly sixties, que les seventies finiront dans le caniveau médiatique des grands shows FM. N’oublions pas l’année (vinylique) 1970 avec son saxo déchaîné, petite digression free jazz dans l’univers musical de nos petites frappes apatrides. Gardons en mémoire les guitares éméchées, les hululements scabreux d’Iggy, les chansons, la révolution. Tout quoi. Ce bon vieux satané rock’n’roll des familles qui se sont crashées dans la nuit éberluée de LA. Loin de la maison, loin du Fun.
The Stooges, Fun House (Elektra)
Commentaires
Crosstown Traffic
05.04.2006
Ce qui est sidérant dans cet album, c'est la progression technique des musicos, branleurs ramassés dans la rue qui, pour le premier album, savaient à peine tenir un instrument et qui, un an plus tard, nous balance un Down On The Street au rythme plus subtil qu'il n'y paraît...
Chtif
28.06.2006
Plutôt marrant, mais je n'ai jamais été fan de Fun House, lui ayant toujours préféré Raw Power... Ici, beaucoup de saletés, et de furie, mais je préfère la maitrise d'un "SGimme danger" ou "I need somebody"...
Bravo pour le blog que je viens de découvrir. Tu seras le bienvenu chez moi où tu devrais trouver quelques choses qui peuvent également t'intéresser. Bye !
BeBop352
28.01.2007
Je suis pas si sûr que les Stooges "savaient à peine tenir leurs instruments" sur le premier album. C'est beaucoup plus technique qu'il n'y paraît.
N'oublions pas que le gang sévissait dans Ann Arbor et alentours bien avant d'enregistrer "1969".
Pas sûr non plus que Danny Field les ait signés s'ils n'avaient su aligner deux notes correctes.
La mauvaise impression, à mon sens, trouve plus son origine dans la production, qui est franchement largement en dessous de son contenu. Voire complètement ratée.
BeBop352
Are you experienced?
29.01.2007
Un constat peut-être effectivement un peu sévère.
Pourtant, les notes de pochette de la splendide réédition du premier album éponyme des affreux de Detroit nous apprennent notamment que "Of all the bands on the thriving Detroit rock n' roll scene, The Psychedelic Stooges surely would have been voted the least likely to merit a recording contract"...
Quant aux musiciens, "their musical skills were regarded as minimal bordering on nonexistent" et leur "lack of experience" pleinement assumé : Ron le lead guitar qui n'avait jamais joué que de... la basse, et Scott et Dave qui étaient "complete novices"...
C'est précisément, nous semble-t-il, ce qui rend ce premier disque encore plus phénoménal - et le deuxième proprement stupéfiant : l'étonnante et rapidissime maturation de ce qui restait, selon Iggy Pop, un groupe de "juvenile delinquents"...
Arbane
30.01.2007
Le syndrome du premier album. Un exemple : Syd Barrett ne fut pas un grand guitariste, et au sein du Floyd seul Rick Wright assumait le fait d'accorder tous les instruments du groupe. Pour autant, Piper At The Gate Of Dawn reste un album cinglé, lumineux, preuve d'une étonnante maturité dans le songwriting de Syd. Bordélique peut aussi rimer avec psychédélique. Il en va de même pour le gang de Détroit.