Vol éthéré. Dimanche de décembre, vitre volant en éclats alors que le printemps semble mourir dans les affres de l'automne. Telles sont les impressions iridescentes qui s'impriment dans les esprits à la seule écoute du dernier opus de Broadcast, Tender Buttons. Le groupe sait parfaitement distiller dans son alambic électronique cette ambiance de Dolce Vita d'une Angleterre définitivement brumeuse. Comme si Fellini avait saisi dans son scope une autre vision de la Tamise. Les deux derniers albums avaient déjà bâti cet édifice gracile et Tender Buttons porte bien son nom. Il porte aussi la marque d'une expérimentation sans faille, quand les petits matins blêmes carillonnent de leur pop limpide le souvenir nébuleux d'une folle nuit d'aventure.
Ce qui fascine ici, c'est l'intelligence musicale. Jamais l'écriture de Broadcast ne s'est cantonnée à un exercice de style froidement mathématique. Derrière ces paysages faits de dentelles instrumentales, fragiles, sobres, quasi mortuaires, la voix de Trish Keenan déploie ses ailes. Le contraste est saisissant. Essentiel aussi. Plus qu'une égérie façon Carnaby Street des mid-sixties, elle est la chair du groupe. Impression renforcée sur I Found the F avec son récitatif cristallin se couchant sur des volutes organiques, guitare et clavier à l'unisson.
Tender Buttons représente la synthèse parfaite des deux lobes aspirationnels du cerveau Broadcast. D'un côté, des morceaux électroniques aux beats resserrés où le chant forme un formidable contrepoint mélodique : Black Cat, America's Boy, Corporeal, Michael A Grammar, Goodbye Girls en portent la marque indéfectible. De l'autre, des vignettes panoramiques aux strates si fragiles qu'elles semblent s'évanouir sur la langue même de Trish Keenan. Tears In The Typing Pool ose l'acoustique. Broadcast nous montre alors une autre face du disque, une facette gracile, aux résonances folk délicatement surannées. Quant au morceau titre, il s'étale de langueurs monocordes, monotones, monochromes, avec ferveur et hypnose. Parfois, les claviers semblent mourir de trop crépiter. Leur timbre bourdonnant est un écho serti de distorsions irradiées. Arc Of A Journey et Subject To The Ladder s'ouvrent sur des paysages complexes, diamantaires et leur céleste attitude nous emporte alors dans un dédale sonique qui doit beaucoup aux errances vinyliques de Nico.
Une fois de plus, l'ouvrage est formellement inspiré, la noirceur vénéneuse et velvetienne le disputant à la grâce d'une cathédrale intemporelle.
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